Les carences nutritionnelles représentent aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique, touchant près de 30% de la population française selon les dernières données de l’ANSES. Ces déficits en vitamines, minéraux et autres micronutriments essentiels peuvent avoir des répercussions considérables sur votre état de santé général, allant de la simple fatigue chronique aux complications neurologiques irréversibles. La complexité des mécanismes d’absorption intestinale et l’appauvrissement nutritionnel des aliments modernes rendent cette problématique particulièrement préoccupante.
Face à cette réalité, l’identification précoce et la correction ciblée des carences nutritionnelles deviennent primordiales. Contrairement aux idées reçues, une alimentation équilibrée ne suffit plus toujours à prévenir ces déficits, notamment en raison de la diminution significative des teneurs en micronutriments des fruits et légumes au cours des dernières décennies. Cette situation nécessite une approche diagnostique précise et des stratégies thérapeutiques adaptées à chaque profil individuel.
Identification précoce des carences nutritionnelles par biomarqueurs sanguins
Le diagnostic précoce des carences nutritionnelles repose sur l’analyse de biomarqueurs sanguins spécifiques, permettant une évaluation objective du statut nutritionnel avant l’apparition des premiers symptômes cliniques. Cette approche préventive s’avère cruciale car les manifestations visibles d’une carence apparaissent généralement lorsque les réserves de l’organisme sont déjà sévèrement épuisées. Les techniques de dosage modernes offrent aujourd’hui une précision remarquable pour détecter les déficits subcliniques.
L’interprétation des résultats biologiques doit tenir compte de nombreux facteurs individuels tels que l’âge, le sexe, l’état physiologique et les pathologies associées. Les valeurs de référence établies par les laboratoires correspondent généralement à des seuils statistiques qui ne reflètent pas nécessairement les besoins optimaux de chaque individu. Cette nuance explique pourquoi certaines personnes peuvent présenter des symptômes de carence malgré des résultats biologiques dans les normes officielles .
Dosage de la ferritine sérique pour détecter les carences en fer
La ferritine sérique constitue le marqueur de référence pour évaluer les réserves en fer de l’organisme. Ce dosage présente l’avantage de détecter une carence martiale avant l’installation d’une anémie ferriprive manifeste. Une valeur de ferritine inférieure à 30 µg/L chez l’homme et à 15 µg/L chez la femme indique généralement des réserves en fer insuffisantes, nécessitant une intervention thérapeutique.
Cependant, la ferritine étant une protéine de l’inflammation aiguë, ses taux peuvent être artificiellement élevés en présence d’infections, de maladies inflammatoires ou de pathologies hépatiques. Dans ces contextes, l’association avec d’autres paramètres comme le coefficient de saturation de la transferrine ou la capacité totale de fixation du fer permet d’affiner le diagnostic. Le dosage du récepteur soluble de la transferrine représente une alternative particulièrement intéressante car ce marqueur n’est pas influencé par l’inflammation.
Analyse du taux de cobalamine et d’acide méthylmalonique pour la vitamine B12
Le dosage de la vitamine B12 sérique, bien qu’étant l’examen de première intention, peut parfois s’avérer trompeur. Des taux sériques apparemment normaux peuvent masquer une carence fonctionnelle au niveau tissulaire. L’analyse de l’acide méthylmalonique urinaire ou plasmatique constitue un marqueur plus sensible et spécifique du statut en vitamine B12, car ce métabolite s’accumule en cas de déficit.
L’homocystéine plasmatique représente un autre biomarqueur utile, bien qu’elle puisse également être élevée en cas de carence en folates ou en vitamine B6. La combinaison de ces différents dosages permet d’établir un diagnostic de certitude et d’évaluer la sévérité de la carence. Cette approche multiparamétrique s’avère particulièrement importante chez les personnes âgées, où les carences en vitamine B12 sont fréquentes mais souvent asymptomatiques initialement .
Évaluation du 25-hydroxyvitamine D comme marqueur de référence
Le dosage du 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D] constitue le test de référence pour évaluer le statut vitaminique D. Cette forme de stockage reflète fidèlement les apports nutritionnels et la synthèse cutanée des derniers mois. Les seuils d’interprétation font encore débat dans la communauté scientifique, mais un taux inférieur à 20 ng/mL (50 nmol/L) définit une carence franche, tandis qu’une insuffisance correspond à des valeurs comprises entre 20 et 30 ng/mL.
La saisonnalité influence significativement les taux de vitamine D, avec des variations pouvant atteindre 40% entre l’été et l’hiver dans les régions tempérées. Cette fluctuation naturelle explique pourquoi certains experts recommandent un dosage systématique à la fin de l’hiver pour identifier les personnes nécessitant une supplémentation. L’âge, la pigmentation cutanée, l’indice de masse corporelle et l’exposition solaire constituent autant de facteurs modulant les besoins individuels.
Tests de la transthyrétine et de l’albumine pour les carences protéiques
L’évaluation du statut protéique repose traditionnellement sur le dosage de l’albumine sérique, mais ce paramètre présente des limites importantes en raison de sa demi-vie longue (20 jours) et de sa sensibilité à l’inflammation. La transthyrétine, également appelée préalbumine, constitue un marqueur plus précoce et sensible de la dénutrition protéique grâce à sa demi-vie courte (2-3 jours).
Ces biomarqueurs doivent être interprétés dans un contexte clinique global, en tenant compte de l’état d’hydratation, de la fonction hépatique et rénale. La mesure de la créatininémie et de l’urée plasmatique complète utilement l’évaluation, permettant de différencier une carence d’apport d’un catabolisme protéique excessif. L’analyse de la composition corporelle par impédancemétrie ou DEXA apporte des informations complémentaires sur la masse musculaire et la répartition des compartiments corporels.
Supplémentation thérapeutique ciblée selon les déficits identifiés
La correction des carences nutritionnelles nécessite une approche thérapeutique personnalisée, tenant compte de la sévérité du déficit, de la tolérance individuelle et des facteurs susceptibles d’influencer l’absorption intestinale. Les formes galéniques et les dosages doivent être adaptés à chaque situation clinique pour optimiser l’efficacité tout en minimisant les effets secondaires potentiels. Cette stratégie ciblée permet d’obtenir une correction plus rapide et durable des carences identifiées.
La biodisponibilité des différentes formes de suppléments varie considérablement selon leur structure chimique et leur mode de fabrication. Les formes chélatées, liposomales ou estérifiées présentent généralement une absorption supérieure aux sels inorganiques traditionnels. Cette différence peut être particulièrement marquée chez les personnes présentant des troubles digestifs ou une hypochlorhydrie liée à l’âge. Le choix de la forme galénique influence directement l’efficacité thérapeutique et la tolérance digestive.
Protocoles de supplémentation en bisglycinate de fer pour l’anémie ferriprive
Le bisglycinate de fer représente une forme chélatée particulièrement bien tolérée et efficacement absorbée, même en présence d’inhibiteurs de l’absorption comme les polyphénols ou les phytates. Cette forme évite la compétition avec d’autres minéraux au niveau intestinal et réduit significativement les effets secondaires gastro-intestinaux habituellement associés aux sels de fer inorganiques. La posologie recommandée varie entre 25 et 50 mg de fer élément par jour selon la sévérité de la carence.
L’absorption du fer peut être optimisée par la prise à jeun, associée à de la vitamine C ou à des acides organiques facilitateurs. Cependant, en cas d’intolérance digestive, la prise au cours des repas reste acceptable, même si l’absorption se trouve légèrement diminuée. Le suivi biologique doit être réalisé après 6 à 8 semaines de traitement, avec surveillance de la ferritine, de l’hémoglobine et du volume globulaire moyen. La correction complète des réserves nécessite généralement 3 à 6 mois de supplémentation continue.
Administration de méthylcobalamine versus cyanocobalamine en cas de déficit B12
La méthylcobalamine constitue la forme active de la vitamine B12, directement utilisable par l’organisme sans nécessiter de conversion métabolique. Cette forme présente un avantage théorique chez les personnes présentant des polymorphismes génétiques affectant le métabolisme de la cobalamine. La cyanocobalamine, forme synthétique la plus répandue, reste néanmoins parfaitement efficace dans la majorité des cas et bénéficie d’une stabilité supérieure.
La voie d’administration influence considérablement l’efficacité du traitement. L’injection intramusculaire bypass les problèmes d’absorption intestinale mais nécessite une surveillance médicale. La voie sublinguale permet une absorption directe par la muqueuse buccale, évitant le passage gastro-intestinal. Les formes orales à forte dose (1000 à 2000 µg) peuvent corriger efficacement les carences, même en présence de malabsorption modérée, grâce au mécanisme de diffusion passive qui représente 1 à 2% de la dose administrée.
Posologie du cholécalciférol selon les recommandations ANSES
L’ANSES recommande une supplémentation en vitamine D3 (cholécalciférol) plutôt qu’en vitamine D2 (ergocalciférol) en raison de sa meilleure biodisponibilité et de sa durée d’action prolongée. La posologie de correction varie selon le degré de carence : 1000 à 2000 UI par jour pour une insuffisance, 3000 à 4000 UI pour une carence modérée, et jusqu’à 10000 UI quotidiennes pour les carences sévères, sous surveillance médicale stricte.
La fréquence d’administration peut être quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle selon les préférences du patient et la forme galénique choisie. Les prises hebdomadaires de 25000 UI ou mensuelles de 100000 UI présentent une efficacité comparable aux doses quotidiennes tout en améliorant l’observance thérapeutique. Le suivi biologique s’effectue après 3 mois de traitement, avec un objectif thérapeutique de 25(OH)D supérieur à 30 ng/mL. La vitamine D étant liposoluble , sa prise avec un repas contenant des graisses optimise l’absorption.
Correction des carences en magnésium par supplémentation en glycérophosphate
Le glycérophosphate de magnésium présente une excellente biodisponibilité et une tolérance digestive optimale, contrairement aux sels inorganiques comme l’oxyde ou le chlorure de magnésium qui peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux. Cette forme organique libère progressivement le magnésium, permettant une absorption intestinale régulière sans saturation des transporteurs. La posologie habituelle se situe entre 300 et 600 mg de magnésium élément par jour, répartie en 2 à 3 prises.
L’efficacité de la supplémentation magnésienne dépend largement de l’état de la muqueuse intestinale et de la présence de cofacteurs facilitateurs comme la vitamine B6 ou la taurine. Les personnes souffrant de stress chronique, de diabète ou prenant certains médicaments (diurétiques, inhibiteurs de la pompe à protons) présentent des besoins accrus pouvant nécessiter des dosages supérieurs. La correction d’une carence magnésienne nécessite généralement 2 à 3 mois de traitement, avec amélioration des symptômes (fatigue, crampes, anxiété) dès les premières semaines.
Optimisation des apports en oméga-3 EPA/DHA pour les carences lipidiques
Les acides gras oméga-3 à chaîne longue, EPA (acide eicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque), ne peuvent être synthétisés efficacement par l’organisme humain et doivent être apportés par l’alimentation ou la supplémentation. La conversion de l’acide alpha-linolénique (ALA) d’origine végétale en EPA et DHA reste limitée (moins de 5%), rendant la supplémentation directe souvent nécessaire pour corriger les déficits.
La qualité des suppléments d’oméga-3 varie considérablement selon leur origine et leur procédé de purification. Les huiles concentrées sous forme d’esters éthyliques présentent une teneur élevée en EPA/DHA mais une biodisponibilité moindre que les triglycérides naturels. La posologie recommandée se situe entre 1000 et 2000 mg d’EPA/DHA par jour pour corriger une carence, de préférence répartie en plusieurs prises au cours des repas. La surveillance biologique peut s’effectuer par dosage des acides gras érythrocytaires, reflétant le statut à long terme.
Optimisation de l’absorption intestinale des micronutriments
L’absorption intestinale des micronutriments constitue un processus complexe influencé par de nombreux facteurs physiologiques, pathologiques et environnementaux. Comme un chef d’orchestre coordonnant une symphonie, l’intestin grêle doit synchroniser l’activité de multiples transporteurs spécifiques, enzymes et cofacteurs pour assurer une assimilation optimale des vitamines et minéraux. Cette orchestration délicate peut être perturbée par l’inflammation intestinale, la dysbiose, l’hypochlorhydrie ou la prise de certains médicaments.
La biodisponibilité des micronutriments dépend étroitement de leur forme chimique et de leur environ
nnement nutritionnel immédiat. Par exemple, la vitamine C augmente significativement l’absorption du fer non héminique en réduisant le fer ferrique en fer ferreux, plus facilement assimilable. Inversement, certains composés comme les tanins du thé et du café, les phytates des céréales complètes ou le calcium peuvent former des complexes insolubles limitant l’absorption de nombreux minéraux.
L’état de santé de la muqueuse intestinale influence directement la capacité d’absorption des micronutriments. Les villosités intestinales, ces petites protubérances qui augmentent la surface d’échange, peuvent être endommagées par l’inflammation chronique, les infections ou certaines pathologies auto-immunes. La perméabilité intestinale accrue, souvent appelée syndrome de l’intestin poreux, peut paradoxalement réduire l’absorption sélective des nutriments tout en permettant le passage de molécules indésirables.
Le microbiote intestinal joue un rôle fondamental dans la production et l’absorption de certaines vitamines, notamment la vitamine K et plusieurs vitamines du groupe B. Une dysbiose, caractérisée par un déséquilibre de la flore intestinale, peut compromettre cette symbiose nutritionnelle et réduire la biodisponibilité des micronutriments. La restauration d’un microbiote équilibré par la consommation de probiotiques et de prébiotiques constitue donc un préalable important à toute stratégie de correction des carences.
L’optimisation de l’acidité gastrique s’avère cruciale pour l’absorption de nombreux minéraux, particulièrement le fer, le calcium, la vitamine B12 et l’acide folique. L’hypochlorhydrie, fréquente chez les personnes âgées ou lors de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons, peut compromettre la libération des nutriments de leur matrice alimentaire. Dans ces situations, la prise de bétaïne HCl ou d’enzymes digestives peut améliorer significativement l’assimilation des micronutriments.
Adaptation nutritionnelle selon les populations à risque
Certaines populations présentent des besoins nutritionnels spécifiques ou des facteurs de risque particuliers de carences, nécessitant une approche préventive et thérapeutique adaptée. Ces groupes vulnérables requièrent une surveillance nutritionnelle renforcée et des stratégies de supplémentation personnalisées pour maintenir un statut nutritionnel optimal. L’identification précoce des facteurs de risque permet d’anticiper les carences avant leur manifestation clinique.
Les modifications physiologiques, les contraintes alimentaires et les besoins métaboliques accrus caractérisent ces populations à risque. Chaque groupe nécessite une compréhension approfondie de ses spécificités pour développer des protocoles de prise en charge efficaces. Cette approche différenciée permet d’optimiser les interventions nutritionnelles tout en minimisant les risques de surdosage ou d’interactions indésirables.
Besoins spécifiques des femmes enceintes en acide folique et fer héminique
La grossesse s’accompagne d’une augmentation considérable des besoins nutritionnels, particulièrement en acide folique et en fer. Les besoins en folates passent de 300 µg par jour chez la femme adulte à 600 µg pendant la grossesse, soit un doublement des apports recommandés. Cette augmentation vise à soutenir la croissance fœtale rapide et à prévenir les anomalies du tube neural, qui se forment dès les premières semaines de développement embryonnaire.
La supplémentation en acide folique doit idéalement débuter un mois avant la conception et se poursuivre au moins jusqu’à la fin du premier trimestre. Les femmes ayant des antécédents d’anomalies du tube neural ou prenant certains médicaments anticonvulsivants nécessitent des doses plus élevées, pouvant atteindre 5 mg par jour sous surveillance médicale. La forme méthylée de l’acide folique (L-méthylfolate) peut être préférée chez les femmes porteuses de polymorphismes du gène MTHFR.
Les besoins en fer augmentent progressivement au cours de la grossesse, passant de 16 mg par jour chez la femme adulte à 25-35 mg pendant le troisième trimestre. Cette augmentation importante s’explique par l’expansion du volume sanguin maternel, le développement des tissus fœtaux et la constitution des réserves nécessaires à l’allaitement. La carence en fer pendant la grossesse augmente le risque d’accouchement prématuré, de faible poids de naissance et de complications maternelles. Le fer héminique, présent dans les produits d’origine animale, présente une biodisponibilité supérieure au fer non héminique des végétaux et constitue la source privilégiée pour combler ces besoins accrus.
Carences nutritionnelles chez les personnes âgées en établissement
Les personnes âgées hébergées en établissement présentent un risque particulièrement élevé de carences nutritionnelles multiples. Cette vulnérabilité résulte de la convergence de plusieurs facteurs : diminution de l’appétit liée au vieillissement, troubles de la déglutition, polymédication, isolement social et qualité parfois insuffisante de l’alimentation collective. La dénutrition protéino-énergétique touche jusqu’à 70% des résidents d’EHPAD selon certaines études.
Les carences les plus fréquemment observées concernent la vitamine D, la vitamine B12, l’acide folique, le zinc et les protéines. La carence en vitamine D est quasi-universelle en raison de l’exposition solaire insuffisante et de la diminution de la capacité de synthèse cutanée avec l’âge. Cette carence contribue à l’augmentation du risque de chutes et de fractures, complications majeures chez cette population fragile.
La malabsorption de la vitamine B12, liée à l’atrophie gastrique et à la diminution de la production de facteur intrinsèque, nécessite souvent une supplémentation par voie parentérale ou sublinguale. Les troubles cognitifs et les symptômes dépressifs, fréquents chez les personnes âgées, peuvent être aggravés par ces carences vitaminiques. Un dépistage systématique et une supplémentation préventive adaptée permettent d’améliorer significativement la qualité de vie et l’autonomie de cette population vulnérable.
Déficits en vitamine B12 et fer chez les végétariens stricts
Les régimes végétariens stricts (végétaliens) exposent à des risques spécifiques de carences, notamment en vitamine B12, fer, zinc, calcium et acides gras oméga-3 à longue chaîne. La vitamine B12, exclusivement présente dans les produits d’origine animale, représente la carence la plus préoccupante car elle peut entraîner des complications neurologiques irréversibles si elle n’est pas traitée précocement.
Contrairement aux idées reçues, la durée avant l’apparition d’une carence en B12 varie considérablement selon les réserves hépatiques initiales, pouvant s’étendre de quelques mois à plusieurs années. Les premiers signes sont souvent subtils : fatigue, troubles de la concentration, irritabilité. La supplémentation préventive s’avère donc indispensable dès l’adoption du régime végétalien, avec des doses de 250 µg par jour ou 2500 µg par semaine de cyanocobalamine.
Le fer d’origine végétale (fer non héminique) présente une biodisponibilité réduite comparé au fer héminique des produits carnés. Cependant, cette limitation peut être compensée par l’association avec de la vitamine C, l’éviction des inhibiteurs d’absorption (thé, café pendant les repas) et la consommation d’aliments riches en fer comme les légumineuses, les graines et les légumes à feuilles vertes. La vitamine C peut multiplier par trois l’absorption du fer non héminique lorsqu’elle est consommée simultanément.
Surveillance nutritionnelle post-chirurgie bariatrique
La chirurgie bariatrique, bien qu’efficace pour traiter l’obésité sévère, induit des modifications anatomiques et physiologiques majeures qui prédisposent aux carences nutritionnelles multiples. Les techniques restrictives (anneau gastrique, sleeve gastrectomy) limitent principalement la quantité d’aliments ingérés, tandis que les techniques malabsorptives (bypass gastrique, dérivation bilio-pancréatique) altèrent également l’absorption intestinale.
Les carences les plus fréquemment observées après chirurgie bariatrique concernent les vitamines B1, B12, D, l’acide folique, le fer, le calcium et le zinc. La gastrectomie partielle ou totale compromet la production de facteur intrinsèque nécessaire à l’absorption de la vitamine B12, rendant la supplémentation parentérale souvent nécessaire. La diminution de l’acidité gastrique limite également l’absorption du fer, du calcium et de nombreux autres minéraux.
La surveillance nutritionnelle post-opératoire doit être systématique et prolongée, avec un suivi biologique au minimum tous les 6 mois la première année, puis annuellement. La supplémentation préventive débute généralement dès la reprise alimentaire normale, avec des formes et des dosages adaptés au type de chirurgie pratiquée. Les vitamines liposolubles (A, D, E, K) nécessitent une attention particulière dans les techniques malabsorptives, avec parfois recours à des formes hydrosolubles pour optimiser l’absorption.
Synergie alimentaire et biodisponibilité des nutriments
L’alimentation ne se résume pas à une simple addition de nutriments isolés, mais constitue un écosystème complexe où les interactions entre les différents composés déterminent largement leur biodisponibilité. Cette synergie alimentaire, concept fondamental de la nutrition moderne, explique pourquoi certains aliments présentent des bénéfices supérieurs à la somme de leurs composants individuels. Comprendre ces mécanismes permet d’optimiser les stratégies nutritionnelles et de maximiser l’efficacité des interventions thérapeutiques.
Comme un puzzle dont chaque pièce trouve sa place grâce aux autres, les nutriments interagissent selon des mécanismes de facilitation, de compétition ou de transformation mutuelle. Ces interactions peuvent se produire à différents niveaux : lors de la digestion, de l’absorption intestinale, du transport plasmatique ou de l’utilisation cellulaire. L’art de la nutrition thérapeutique consiste à orchestrer ces interactions pour créer des synergies bénéfiques tout en évitant les antagonismes délétères.
Les exemples de synergies nutritionnelles abondent dans la littérature scientifique. L’association curcuma-poivre noir illustre parfaitement ce concept : la pipérine du poivre noir augmente de 2000% la biodisponibilité de la curcumine en inhibant sa métabolisation hépatique. De même, la consommation simultanée de lycopène (tomates) et de graisses saines multiplie par sept l’absorption de ce caroténoïde aux propriétés antioxydantes remarquables.
L’équilibre entre les différentes formes de vitamine E (tocophérols et tocotriénols) optimise leur action antioxydante collective, chaque forme protégeant les autres de l’oxydation. Cette synergie naturelle explique la supériorité des complexes vitaminiques complets par rapport aux suppléments isolés. Les fabricants de compléments alimentaires de qualité s’inspirent de ces mécanismes pour développer des formulations biomimétiques reproduisant les proportions et associations naturelles.
Les fibres alimentaires jouent un rôle modulateur essentiel dans l’absorption des micronutriments. Les fibres solubles peuvent ralentir l’absorption et favoriser une libération progressive, tandis que les fibres insolubles peuvent limiter la biodisponibilité de certains minéraux par formation de complexes. Cette influence bidirectionnelle souligne l’importance d’une approche globale de l’alimentation plutôt que d’une focalisation sur des nutriments isolés.
Surveillance clinique et ajustement thérapeutique à long terme
La correction des carences nutritionnelles nécessite un suivi médical régulier et personnalisé pour évaluer l’efficacité thérapeutique, prévenir les surdosages et adapter les traitements selon l’évolution clinique et biologique. Cette surveillance longitudinale permet d’optimiser les protocoles de supplémentation et de détecter précocement d’éventuelles complications ou interactions médicamenteuses. L’approche doit être dynamique et évolutive, tenant compte des changements physiologiques et des modifications du mode de vie.
La fréquence du suivi biologique varie selon le type de carence, sa sévérité initiale et la réponse au traitement. Les carences sévères nécessitent généralement un contrôle après 6 à 8 semaines de traitement, puis tous les 3 mois jusqu’à normalisation complète. Une fois l’équilibre rétabli, un suivi semestriel ou annuel peut suffire pour les carences modérées, tandis que certaines situations (chirurgie bariatrique, pathologies malabsorptives) requièrent une surveillance à vie.
L’interprétation des résultats biologiques doit intégrer la cinétique propre à chaque nutriment. La ferritine sérique, reflet des réserves en fer, peut nécessiter plusieurs mois pour se normaliser après correction d’une carence martiale, même si l’hémoglobine s’améliore plus rapidement. Inversement, certains marqueurs comme la transthyrétine réagissent en quelques jours aux modifications d’apport protéique, permettant un ajustement thérapeutique précoce.
L’observance thérapeutique constitue un défi majeur dans la prise en charge à long terme des carences nutritionnelles. Les formes galéniques doivent être adaptées aux préférences individuelles : comprimés, gélules, formes liquides, poudres ou gommes à mâcher. La simplification des schémas posologiques, avec des prises uniques ou bihebdomadaires, améliore significativement l’adhésion au traitement. L’éducation thérapeutique du patient, incluant l’explication des mécanismes d’action et l’importance de la régularité, renforce la motivation et la compliance.
Les interactions médicamenteuses doivent faire l’objet d’une vigilance particulière lors du suivi thérapeutique. Certains suppléments peuvent modifier l’absorption ou l’efficacité des traitements habituels : le calcium interfère avec l’absorption des antibiotiques de la famille des tétracyclines, les oméga-3 peuvent potentialiser l’effet des anticoagulants, la vitamine K antagonise l’action de la warfarine. Une revue régulière de l’ensemble des traitements, incluant l’automédication, s’avère